Vente et revente d’œuvres d’art : le règne du online ?

L’ancien monde du marché de l’art n’est plus. Alors que le marché de l’art paraissait vieillissant et conservateur, l’épidémie de covid 19 lui a donné un nouveau souffle.

Décryptage. 

 

Des chiffres évocateurs

La croissance des ventes en ligne a été l'une des évolutions les plus importantes du marché de l'art au cours de ces deux dernières années. Alors que le commerce digital était déjà en constante progression avant la pandémie de COVID-19, les ventes d'art en ligne ont atteint leur niveau le plus élevé jamais enregistré en 2020, en étant évaluées à 12,4 milliards de dollars, soit le double de 2019. Bien qu’elle prenne place durant l’année du pic de l’épidémie, la part du commerce électronique sur le marché de l’art dépasse pour la première fois celle du commerce de détail général en utilisant sites web, salles d’exposition virtuelles, courriel et réseaux sociaux. Historique. 

Par son caractère inédit, la situation sanitaire depuis 2020 a en effet obligé le monde de l’art à se réinventer. Les acteurs du marché ne pouvant plus fonctionner normalement avec leurs rendez-vous habituels (vernissages, foires, etc.), le pivotement vers le marketing digital et les ventes en ligne est devenu essentiel pour la survie du secteur. Ventes aux enchères, foires, galeries, plateformes de mise en relation, toutes les strates du marché ont fait du commerce digital leur priorité. En intensifiant considérablement leurs initiatives numériques, les acteurs du marché de l’art ont ainsi élargi la gamme des options numériques de ventes disponibles sur le marché de l’art.

Bien qu'une partie de cette expansion ait sans doute été une réaction inhérente à un contexte particulier, la croissance s'est poursuivie en 2021, et la plupart des acteurs du marché de l'art, ayant investi dans leur présence en ligne, ont ces effets parallèlement à leur retour aux méthodes physiques plus traditionnelles. Ainsi, la croissance globale a permis au marché en ligne de poursuivre son expansion pour atteindre un montant estimé à 13,3 milliards de dollars.

 

Les ventes aux enchères : pionnier ou à la traine ? 

C’est par les ventes aux enchères que le digital entre il y a quelques années dans l’écosystème du marché de l’art. En effet, les ventes aux enchères les plus prestigieuses sont passées en online pour être suivies dans le monde entier. Cette mise à disposition digitale n’est toutefois pas offerte à toutes, et l’Hôtel Drouot sélectionne soigneusement pendant quelques années les ventes qui en bénéficient. 

En 2020, le confinement qu’impose l’épidémie mondiale oblige les ventes à passer en online pour vendre à distance. Alors que le monde de l’art tremblait des effets dévastateurs de la fermeture de tous les lieux de vente, les enchères arrivent à se tenir et les résultats très positifs étonnent le marché. En effet, 67% du marché en ligne des ventes aux enchères est constitué de ventes entre 5000 et 250 000 dollars, un résultat stimulé par l’arrivée de nouveaux acheteurs dans ce secteur.

 

Les galeries : le digital à la rescousse ! 

En obligeant les galeries à fermer leurs espaces pour de nombreuses semaines, la crise sanitaire contraint les galeristes à vendre autrement. Sur toutes les galeries ne faisant pas de ventes en ligne en 2019, 71% d’entre elles ont commencé en 2020 pour obtenir 41% de leur chiffre d’affaires via le digital.

Fini la venue dans un white cube ayant pignon sur rue, le couch surfing devient une pratique très courante. Sites web, courriels, réseaux sociaux, les canaux sont multiples pour palier à la fermeture des galeries. Instagram, au-delà de la visibilité et de la mise en relation qu’il jouait alors pour le marché de l’art, devient un outil de vente indéniable pour toute galerie un tant soit peu implantée sur le réseau social. En 2020, 63% des galeristes et marchands ont ainsi déclaré une augmentation de leurs ventes en ligne et Instagram n’y est pas pour rien. 

Signe d’un phénomène prenant de la vigueur et s’instituant, le panier moyen des ventes digitales augmente alors et les nouveaux collectionneurs affluent. Le couch surfing semble en effet endiguer certains freins de ce milieu intimidant et quelque peu opaque, en permettant d’acheter à des horaires souples tout en arrivant à demander plus facilement le prix des œuvres. 72% des collectionneurs estiment en effet essentiel d’avoir un prix affiché lorsqu’ils parcourent un catalogue en ligne.

 

Les plateformes de vente et de revente : un phénomène grandissant, une offre en structuration

Face à ces mutations, le marché de l’art se structure et se développe à l’ère du online. 
La banalisation de l’achat en ligne donne ainsi naissance à de nouvelles plateformes, convaincues de la nécessité d’étoffer l’offre du marché.

Certaines d’entre elles offrent aux acteurs existants des outils supplémentaires pour le déploiement de leur force digitale. Pour augmenter leur visibilité, les galeries peuvent en effet s’appuyer sur des plateformes en ligne. Artsper et Artsy tiennent le haut du panier en proposant aux galeries, moyennant un abonnement, de présenter une sélection de leurs œuvres aux particuliers surfant sur la plateforme. Ils promettent ainsi d’étoffer le réseau de clients de la galerie en donnant accès à de nouveaux collectionneurs.  

D’autres souhaitent répondre aux manques du secteur en profitant de cette normalisation de l’achat en ligne. Les signaux favorables que sont le panier moyen grandissant, la fluidité des échanges ou encore le couch surfing apportent un véritable go to market et permettent au marché de l’art vieillissant de se réinventer via le monde du digital. 

C’est le cas notamment d’Artransfer qui souhaite simplifier la revente d’œuvres d’art en offrant une solution alternative aux propositions limitées actuelles de revente que sont par exemple les maisons de ventes aux enchères. En mettant en contact les collectionneurs et en sélectionnant soigneusement les pièces, la plateforme désintermédie la revente et offre une structure spécialisée, sécurisée et à la commission la plus basse du marché.

 

Quelles perspectives ? 

Depuis deux ans, le marché de l’art connaît donc un véritable changement de paradigme. Alors que le online était une solution principalement destinée aux acheteurs géographiquement éloignés, le bouleversement lié à l’épidémie de COVID-19 a fait du digital un outil commode et également apprécié par les acheteurs locaux. 

Simplicité et flexibilité pour l’acheteur, économies de coûts et augmentation du rayonnement pour les acteurs du marché, la solution bénéficie aux deux partis. 

Toutefois, bien que cet outil soit majoritairement adopté, relativement peu d’acteurs du marché de l’art semblent être prêts à passer à un format exclusivement en ligne, du moins pour ceux dédiés au premier marché, convaincus de l’intérêt des événements physiques ponctuant l’année artistique. 

Toutefois, alors que certains se passaient il y a encore peu du digital, l’avenir du marché semble donc être à la croisée de stratégies liant le online et le offline.  

Par cette ouverture à la tech, le marché de l’art devient également un nouveau terrain de jeu pour l’innovation et le monde des startups qui souhaitent combler les limites d’un secteur encore, par certains côtés, opaque.

 

Sources : 

  • Étude « The Art Market 2021 », An Art Basel & UBS Report, prepared by Dr. Clare McAndrew, Founder of Arts Economics 

  • Étude « The Art Market 2022 », An Art Basel & UBS Report, prepared by Dr. Clare McAndrew, Founder of Arts Economics

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